A. Les différents génotypes
Il y a 3 phénotypes différents par rapport à la digestion du lactose:
1. Déficience congénitale en lactase : intolérance dès la naissance.
2. Lactase non persistant : arrêt ou diminution de la production de lactase après l'enfance.
3. Lactase persistant : capacité à digérer le lactose, même à l’âge adulte.
Le gène de la lactase se trouve sur le chromosome 2 et il comporte 17 exons pour un polypeptide de 1927 acides aminés.
1. Déficience congénitale en lactase
Ces individus ne produisent aucune lactase, et ce dès la naissance, ils ne peuvent donc pas digérer le lactose. Le seul traitement possible est l'exclusion définitive du lactose dans le régime alimentaire.
Est-ce héréditaire ?
La méthode du calcul relatif :
Pour déterminer si une maladie est d’origine génétique ou non, on peut utiliser le calcul relatif, basé sur des études familiales. On calcule la fréquence de la maladie dans la population générale, puis sa fréquence chez les apparentés au premier degré (les frères et sœurs) dans des familles où l’un des enfants est atteint de la maladie.
Le résultat du calcul : prévalence chez les apparentés (la prévalence dans la population permet d’établir si la maladie est héréditaire). Ainsi, si le résultat est supérieur à 1, celle-ci est bien d’origine génétique.
En Finlande, le phénotype de la déficience en lactase est plus répandu que dans le reste du monde avec une prévalence d’un cas sur 60.000 individus. Des chercheurs finlandais ont réalisé des études familiales notamment sur 12 familles avec un enfant atteint de déficience congénitale.
Famille
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Enfant malade
|
Apparentés (frères et sœurs)
| |
Malades
|
Sains
| ||
1
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1
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1
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2
|
2
|
1
|
-
|
2
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3
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1
|
1
|
-
|
4
|
1
|
-
|
-
|
5
|
1
|
-
|
1
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6
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1
|
1
|
2
|
7
|
1
|
-
|
1
|
8
|
1
|
-
|
-
|
9
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1
|
1
|
1
|
10
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1
|
-
|
-
|
11
|
1
|
-
|
2
|
12
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1
|
-
|
2
|
Totaux
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12
|
4
|
13
|
On constate que sur 29 enfants, 16 sont malades.
En utilisant la méthode du calcul relatif, on compare la prévalence de la maladie dans ces familles avec celle de la population finlandaise : le risque relatif trouvé est de plus de 14.000, ce qui indique un déterminisme génétique très élevé.
De plus, on peut aussi conclure que l’allèle de la déficience en lactase est récessif. En effet, dans les familles, les parents ne sont pas atteints, malgré le fait qu’ils aient un ou plusieurs enfants malades : ils sont donc capables de transmettre l’allèle Lac -. Les parents sont donc hétérozygotes (Lac + // Lac -), avec l’allèle Lac + dominant.
La
différence phénotypique chez ces personnes réside dans des mutations, particulièrement
l’apparition d’un codon stop au codon 1390, ce qui conduit à l’arrêt prématuré
de la protéine à 1389 acides aminés au lieu de 1927. L 'enzyme n'est donc
pas fonctionnelle, et l'enfant ne peut pas digérer le lactose.
2. Lactase persistant et non persistant
Ces deux
phénotypes diffèrent par le seul gène de la lactase.
Nous prendrons ici l'exemple d'une famille dans laquelle les deux parents ont le phénotype [LP] (lactase persistant) et qui ont deux enfants: l’un [LP], Maxence, et l’autre [LNP] (lactase non persistant), Maxime. En comparant les séquences codantes du gène lactase chez les membres de la famille, nous espérons cibler cette mutation.
Nous prendrons ici l'exemple d'une famille dans laquelle les deux parents ont le phénotype [LP] (lactase persistant) et qui ont deux enfants: l’un [LP], Maxence, et l’autre [LNP] (lactase non persistant), Maxime. En comparant les séquences codantes du gène lactase chez les membres de la famille, nous espérons cibler cette mutation.
Grâce
à Anagène, nous constatons que les séquences codantes sont exactement les mêmes
chez tous les membres de la famille: la différence entre [LP] et [LNP] ne vient
donc pas de la région codante. En effet, nous pouvions le déduire du fait
que les personnes [LNP] comme Maxime peuvent digérer le lactose dans leur
jeunesse, tout comme son frère Maxence, ce qui signifie qu'ils produisent alors
une lactase fonctionnelle.
Cependant,
après 5 ans, il n y a plus de séquences d'ARNm chez les individus [LNP] :
Ainsi,
nous déduisons qu’il existe des séquences du gène qui ne sont pas codantes, mais
qui ont une influence sur la transcription du gène. Cette zone est appelée zone
régulatrice. Ici, elle est située en amont de la séquence codante du gène de la
lactase.
Avec
Anagène, nous constatons que chez tous les individus européens de phénotype
[LNP], il y a un nucléotide C à la place du nucléotide 13910 , tandis que les personnes [LP] possèdent un
nucléotide T.
Nous
comparons alors la zone régulatrice chez les membres de la famille précédemment
étudiée. Nous retrouvons cette même mutation : T pour Maxence, et C pour
Maxime.
Nous
pouvons alors conclure de cette comparaison que le génotype [LNP] est récessif,
car les parents sont hétérozygotes T/C et sont [LP].
Mais quel génotype est du à une mutation, et lequel est le gène ancestral ?
Nous
étudions la séquence régulatrice de fossiles du néolithique européens datés de
-8000 ans. Tous sont du génotype (C//C) en -13910, donc ce génotype est
ancestral.
Le phénotype [LP] est donc du à
une mutation, qui s’est répandue plus tardivement dans certaines
populations. En effet, alors que la majorité des africains sont de type
[LNP], quelques populations africaines ont une majorité d’individus [LP].
En
analysant les séquences régulatrices des individus [LP] de ces populations,
nous remarquons qu’ils ne possèdent pas la même mutation (T en -13910), mais
une autre également. Il y a 3 mutations différentes chez ces personnes (en
-13907, -13915, -14010).
Ainsi, des
mutations différentes dans la zone régulatrice peuvent aboutir au même
changement dans la zone codante du gène.
Une
question se pose : pourquoi
le phénotype [LP] s’est-il développé aussi rapidement et seulement au sein de
certaines populations ?
B. La
sélection naturelle
Ces populations d’Europe et d’Afrique sont de celles qui ont développé le plus tôt l’agriculture, l’élevage de bétail et donc la consommation de lait d’animaux. Ainsi, la mutation, qui était sûrement déjà présente chez de rares individus, est devenue bénéfique. En effet, ceux qui pouvaient digérer le lait survivaient plus facilement que les hommes qui avaient moins de choix dans leur régime alimentaire. La lactase devint de plus en plus utile à la survie et à la reproduction des adultes : on dit que les personnes capables de digérer le lait avaient une valeur sélective plus grande, car leur génotype avait plus de chances d’être transmis aux prochaines générations.
Ils
avaient donc un avantage sélectif : c’est la sélection naturelle.
Ceci
explique que les populations qui consommèrent du lait comptent une fréquence
élevée de personnes tolérantes au lactose, alors que celles qui n’en buvaient
pas comptent une fréquence plus faible.
Dans
le Nord de l’Europe (chez les Finlandais, les Danois et les Allemands par
exemple), la grande majorité de la population est tolérante au lactose :
seule 4 % n’est pas capable de le digérer. En Amérique, Afrique du Sud et en
Chine, au contraire, entre 80 % et 100 % des individus sont rendus malade
par la consommation de lait de vache !
Autour du bassin méditerranéen en moyenne 50% de la population est tolérante au lactose. Cependant l'apparition de la tradition de boire du lait dans cette région date d'il y a très longtemps. Ainsi, aujourd’hui cette population est devenue presque intégralement tolérante. En effet grâce au micro-trottoir réalisé dans la ville Méditerranéenne d'Antibes Juan-les-Pins nous avons pu confirmer cette étude statistique; les résultats obtenus montrent que 62% de la population étudiée était tolérante.
De plus,
la soudaine nécessité de pouvoir digérer le lait à l’âge adulte a permis au
phénotype [LP] de se développer très rapidement.